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Les noms des rues

Publié le par tolosa

Toute la paroisse Saint-Aubin avait conservé le souvenir du brave curé dont une municipalité intelligente et reconnaissante avait donné le nom au boulevard Monteis, qui contourne l’église Saint-Aubin.

Ce nom, très toulousain, choquait les oreilles de deux ou trois fils de la Veuve pontifiant dans le quartier, Saint-Aubin, et nos édiles, obéissants, l’ont remplacé par celui de Michelet, qu’aucun lien ne rattache à Toulouse et qui, Français de nom seulement, fuyait en Italie pendant le siège de Paris.

Il y a quelques années, alors que siégeait au conseil municipal une petite minorité non inféodée, quoique socialiste, au comité des Quatre-Cantons. M. Bedouce s’opposait à ce que, sous prétexte de républicaniser les noms des rues, on fit disparaitre ceux de ces noms qui rappellent un épisode quelconque de l’histoire de Toulouse.

Ces préoccupations ne sont plus de mise au Capitole.

Vieux souvenirs, charité, dévouement au peuple, vieille chanson que tout cela !

Vieux procédé aussi que celui qu’emploient aujourd’hui nos édiles pas mal arriérés, et voilà déjà de longues années qu’il illustra Mesureur.

La Dépêche met à ce propos la municipalité en demeure « d’étendre cette mesure à bien d’autres voies toulousaines, dont les noms communs n’ont jamais joué un rôle intéressant dans l’histoire ».

Allez-y, messieurs, et obéissez prestement aux injonctions du journal de la rue Bayard. L’histoire de la troisième République vous fournira une collection de noms entre lesquels vous n’aurez que l’embarras du choix : Humbert, Crawford, Cornélius Hertz, Dreyfus, Reinach, Boulaine par exemple.

Mais, édiles trop dociles, ne perdez pas de vue l’aventure qui arriva à vos devanciers d’une ville du bassin du Rhône. Ceux-ci venaient d’opérer un chambardement général des noms des rues.

Les habitants protestèrent énergiquement et, pour donner satisfaction à l’opinion publique, l’on fut obliger de faire figurer sur les nouvelles plaques indicatrices le nom ancien de la rue, sous le nouveau nom.

Cette mesure donna lieu à la bizarrerie suivante, qui doit faire encore en ce moment la joie des gens qui la remarquent.

La rue des « Vieux Jésuites » ayant reçu le nom de rue Jean-Jacques Rousseau, on peut lire sur la nouvelle plaque cette inscription anormale :

Rue Jean-Jacques Rousseau

Vieux Jésuites

Jean-Jacques Rousseau n’ayant certainement pas prévu ça.

Nous proposons de donner le nom de Boulaine à la rue Mazas, celui de M. Brisson à la rue du Pape, celui du plus sobre de nos parlementaires à la rue du Petit-Bacchus ; enfin celui de M. Denuc à la rue de la Colombe.

(L’Express du Midi – 3 décembre 1902)

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