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Le chemin de fer de Toulouse à Auch et la gare Saint-Cyprien

Publié le par tolosa

Nous avons les meilleurs renseignements à donner à nos lecteurs sur l’état des travaux du chemin de fer de Toulouse à Auch. La pose des rails et le transport du balast s’opèrent avec la plus grande activité ; à tout instant on peut voir des trains chargés de matériaux de construction s’éloigner de Toulouse et apporter sur les divers chantiers tout ce qui est nécessaire à l’achèvement de la voie. Le moment où elle pourra être livrée au public s’annonce donc comme prochain.

Toulouse, véritable métropole du Sud Ouest, attire par une influence naturelle les centres départementaux qui l’environnent. Le chemin d’Auch à Agen, détournant depuis quelques années ce mouvement, avait amené un ralentissement dans les relations qui existaient anciennement entre notre ville et Auch. L’ouverture de la ligne directe, en établissant de rapides communications, remettra bientôt les choses dans leur premier état.

Le tracé de la voie parait avoir présenté les difficultés les plus grandes. Traverser, en quittant Toulouse, de vastes plaines, étagées les unes au-dessus des autres, et coupés par des vallons larges et profonds ; contourner les coteaux qui se succèdent incessamment dès qu’on a pénétré dans le département du Gers ; tels sont les principaux obstacles qu’il fallait surmonter. Ils ont été évité au prix de quelques détours nécessaires et du léger allongement du parcours qui en sera la conséquence ; hâtons nous toutefois de la proclamer bien haut, toutes les ressources que le pays traversé pouvait offrir aux hommes de l’art ont été habilement et heureusement utilisées par eux.

Mais si l’observateur attentif ne peut qu’admirer ce qui regarde la voie ferrée, il doit se montrer sobre d’éloges sur le choix de l’emplacement destiné à devenir la gare Saint-Cyprien. L’établissement de cette gare est des moins heureux, et il serait même difficile de le supposer dans des conditions plus incommodes pour les intérêts du commerce et de la population.

La distance considérable qui sépare cette gare de celle du Nord amènera par la force des choses les voyageurs et les marchandises à la choisir comme point d’embarquement ; et cependant, pour aller de la ville à cette gare, la longueur du trajet et véritablement effrayante. On en est à se demander si le nom de la gare Saint-Cyprien, qu’on lui donne trop volontiers, ne devrait pas être remplacé par celui de la gare de la Cépière.

Parvenu à ce point, le voyageur venant à Toulouse aurait vraiment tort de se croire arrivé ; il en sera fort loin et devra, pour y parvenir, entreprendre en voiture un nouveau voyage qui, souvent, ne sera ni le plus court ni le moins fatiguant.

Nous croyons inutile de faire remarquer à quelles pertes de temps et d’argent l’expédition des marchandises sur un point si éloigné entrainera autre commerce.

On est naturellement porté à croire qu’un chemin de fer doit amener une amélioration dans les moyens de transport des hommes et des choses et que, dans ce but, les points de départ et d’arrivée devraient être déterminés de façon à en rendre l’usage commode et facile ; le chemin d’Auch ne permet pas de conserver cette illusion. Trois cents personnes parcourent au moins journellement, à des distances diverses, la route de Bayonne ; quarante voitures, omnibus, diligences ou autre, vivent de ce mouvement. Il y avait lieu de penser que le chemin de fer remplacerait avantageusement tous ces moyens de transport, mal organisés pour la plupart et toujours insuffisants. Mais qu’on y songe un peu et l’on verra que, malgré tous leurs défauts, omnibus, diligences et voitures, supporteront victorieusement la concurrence de la voie ferrée en portant réellement leur clientèle à Toulouse, tandis que le chemin de fer déposera la sienne à trois ou quatre kilomètres.

Le bon sens public s’est justement préoccupé de ces inconvénients, à plusieurs reprises on a supposé que, pour les faire disparaitre, la gare Saint-Cyprien serait rapprochée de la ville ; l’intérêt du chemin de fer, celui de la population semblaient rendre ce rapprochement indispensable. Un malheur soudain et terrible le fit regarder comme certain ; nous voulons parler de la destruction presque totale du faubourg Saint-Cyprien par le débordement des eaux de la Garonne. On devait à une population fortement éprouvée par un désastre inouï quelques sacrifices pour rappeler auprès d’elle le mouvement et la vie ; on cru, après la visite du ministre des travaux publics, et sur quelques paroles qu’il avait prononcées, que le vœu général d’un quartier ruiné et l’intérêt de toute la ville allaient recevoir satisfaction. Tout le monde espéra avec confiance.

On espère bien encore aujourd’hui, sans doute ; mais on se sent bien près de désespérer, car, s’il faut ajouter foi à des bruits d’origines inconnue, mais considérer par le public comme un écho des pensées émises par les hommes de l’art, le rapprochement de la gare Saint-Cyprien serait tenu par ceux-ci pour dangereux, impossible et irréalisable.

Placer la gare dans le voisinage de la place extérieure Saint-Cyprien serait, dit-on, l’exposer à l’inondation. La crue du 24 juin 1875 a recouvert toute cette partie du faubourg, et si la gare y avait été construite, il y eut eu des dégâts sérieux. Qu’on la suppose pleine de marchandises et que l’on suppute un instant la préjudice causé par l’invasion des eaux débordées etc, etc.

Un pareil motif n’a pas de valeur ; raisonné sur un fait exceptionnel, sur un accident, sur un cas fortuit, n’est pas raisonner sûrement. L’inondation de 1875 est un de ces évènements qui déjouent toutes les prévisions humaines ; il faut remonter à la seconde moitié du siècle précédent pour trouver un autre exemple de submersion dans le faubourg, et encore n’était-il pas protégé par des quais comme aujourd’hui.

D’ailleurs si le danger était réellement si grand, croit-on que les habitants mettraient autant d’ardeur à reconstruire leurs immeubles écroulés ? Si le péril est si actuel, pourquoi ne pas le conjurer par des mesures générales, des endiguements, des canaux auxiliaires de décharge dont il ne parait pas qu’on se préoccupe beaucoup pour le moment ?

Non, tout cela n’est pas sérieux. Des accidents ne doivent pas être confondus avec des faits d’un ordre régulier et constant. Autant, il faut tenir compte des derniers, autant il faut négliger les premiers ; faire autrement serait agir comme l’agriculteur timoré qui n’ensemenserait pas sa terre pour échapper aux chances de grêle, parce qu’il les aurait subit une fois.

Une autre difficulté s’opposant à l’établissement de la gare près de la place Saint-Cyprien tiendrait, dit-on, à une différence dans le niveau entre le terrain de la gare actuelle et l’emplacement de la gare demandée. Cette différence serait considérable, et, pour atteindre le centre du faubourg, où le sol va s’abaissant, il faudrait couper par un remblai toutes les rues et tous les chemins traversés. Ce remblai, géant pour les communications, créerait, en cas d’inondation, en faisant obstacle aux eaux, un danger pour tout le quartier.

Cette objection, en apparence du moins, parait grave, et cependant elle ne résiste pas à l’examen. Laissons de côté tout ce qui se rattache à l’inondation. Nous nous sommes déjà expliqués sur cette considération et sur le cas qu’il faut en faire. Occupons-nous de ce qui est relatif à la différence signalée dans les niveaux. De la gare Saint-Cyprien  à la place Saint-Cyprien le terrain s’abaisse vers la Garonne, sans doute, mais la pente est presque insensible à l’œil et dans les cas elle n’est pas tellement prononcée qu’on ne puisse y établir une voie ferrée. Il existe sur la ligne, non loin de là, des pentes dont la déclivité est tout au moins aussi grande. Or, il suffit qu’au point d’arrivée, c’est-à-dire près la place Saint-Cyprien, il y est un emplacement horizontal, un palier pour nous servir du mot consacré, destiné à arrêter les trains. En sortant de la gare actuelle Saint-Cyprien ne trouve-t-on pas une rampe qui commence presque immédiatement pour gravir, derrière la propriété Ollivier, le coteau de Lardenne ? La gare dans l’intérieur du faubourg serait donc, quant au voisinage des pentes, dans la même situation que celle qui se trouve près de la Cépière.

Il reste à trouver une surface horizontale nécessaire pour recevoir les trains, les arrêter, les mettre en mouvement. La chose ne parait offrir aucune difficulté dans l’espace compris entre les rues de la Gravette et Varsovie. De la ligne actuelle à la rue de la Gravette la voie traverserait les rues ou chemins par des passages à niveau et de la rue de la Gravette jusqu’à la rue Varsovie, sur un terrain nivelé, serait l’emplacement de la gare.

Voilà ce que le public aurait vu avec satisfaction, ce que le commerce aurait salué avec joie et ce qui était facile à exécuter.

On a formulé enfin une dernière objection : pour aboutir  à la gare réclamée, il faudrait abandonner la ligne de chemin de fer. Cette circonstance signalée comme extraordinaire ne serait pas sans précédent et on pourrait en citer divers exemples. Il existe, si nous ne nous trompons, à Orléans, une gare dite les Aubrais, complètement en dehors de la ligne. On y arrive ou on en sort en reculant. Personne jusqu’ici ne s’est plaint de cet état de choses. Les populations intéressées se montrent satisfaites sans que la Compagnie y perde, les kilomètres parcourus par les voyageurs ou les marchandises comptants dans la perception des frais de transport.

Ainsi donc, comme on peut s’en convaincre, aucun motif bien fondé ne fait obstacle au rapprochement de la gare d’Auch vers la place Saint-Cyprien. Il ne saurait y avoir perte pour personne, il ne peut y avoir que profit pour la Compagnie du Midi. De graves considérations viennent en outre conseiller de ne rien différer. Dans les terrains à acquérir il existe encore des immeubles détruits dont la valeur actuelle est peu considérable. On pourrait les acheter facilement ; plus tard il faudra les payer à des prix élevés.

Par un concours de circonstances exceptionnellement favorables, tout semble donc faciliter l’exécution d’un projet qui répond à tous les vœux, à tous les intérêts. Restituer la vie à un quartier dont il est juste d’encourager le relèvement, rendre facile et commode l’accès de la gare d’Auch à toute la population toulousaine, tel est le but à poursuivre.

Les intérêts de la ville se rattachent directement à la solution qui sera donnée à la question que nous soulevons. Aussi sommes-nous convaincus que notre Administration municipale n’hésitera pas à se faire l’interprète d’un sentiment unanime en appelant sur ce sujet l’attention du gouvernement. Puisse-t-elle réussir !

La gare n’est pas encore construite, mais elle le sera prochainement. Il n’y a donc pas un instant à perdre.

Pour réussir dans une affaire aussi importante, ce n’est pas trop de tous les efforts réunis. Nous avons les provoquer en exposant nos idées. Nous ne doutons pas du bon accueil que le public leur réserve et nous sollicitons aussi le concours de toute la presse toulousaine espérant que, dans cette circonstance, il nous sera acquis. L’intérêt de nos population, de notre industrie locale et de notre commerce lui est cher comme à nous même ; il ne peut sur un pareil sujet, y avoir une divergence quelconque.

 

 

(Le Journal de Toulouse – 28 septembre 1876)

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M
This is a very good account based on the facts and news about the Toulouse. The history really told the tale from the journal of 1800,s. really enjoyed the article even though it stirred my mind a little. thank you for the share.
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