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Fête de l'indépendance Américaine et la place du Président Wilson

Publié le par tolosa

La place président Wilson

Trois propositions se sont fait jour au cours de la discussion officieuse du Conseil municipal au sujet de l’attribution à une voie publique du nom du président Wilson.

1° La Grande-Allée. Mais, a-t-on dit, ce n’est pas une voie centrale.

2° L’avenue qui fera suite aux allées Jean Jaurès dans la direction de la Colonne, lorsque l’École Vétérinaire aura disparu. Mais, a-t-on objecté, cette voie à un grand défaut : elle n’existe pas encore.

3° La place Lafayette. « Elle est centrale, a-t-on dit, et elle présente un grand avantage d’être située entre la rue Lafayette et les allées Jean Jaurès, entre le grand capitaine qui a symbolisé l’idéalisme de l’épée libératrice et le grand tribun qui a magnifiquement exprimé l’idéalisme de la pensée. Entre ces deux idéalismes complémentaires, a-t-on ajouté, le Président Wilson représentera noblement l’idéal de justice, de droit, de paix des peuples et de Société des Nations pour la défense duquel l’Amérique, aux côtés des alliés, se bat aujourd’hui.

Telles sont les raisons pour lesquelles sur la proposition de Jean Rieux, le Conseil municipal a officieusement décidé de donner à la place Lafayette le nom de place Président-Wilson.

(Midi-Socialiste – 3 juillet 1918)

En l’honneur des États-Unis

A l’Hôtel de Ville

C’est aujourd’hui, à 18 heures, que le Conseil municipal se réunira, au Capitole, en session extraordinaire, pour s’associer officiellement, à la fête de l’Indépendance américaine.

Le maire de Toulouse a spécialement invité à cette séance solennelle les représentants accrédités des organisations américaines en résidence dans notre ville ou dans la région :

Miss Spence, déléguée de la Croix-Rouge américaine ; le colonel Pickert ; les capitaines Carson et Benneti ; le lieutenant Branch, représentants de l’armée américaine ; le lieutenant Moreau, attaché à la section franco-américaine de la 17° région.

Sont invités également : M. le préfet Lucien Saint, M. le général Cornille et les autorités civiles et militaires de notre ville.

Avant et après la séance, un orchestre de 28 musiciens (cuivres et violons), installé sous la loggia qui domine le square du Capitole, jouera l’hymne américain et la « Marseillaise ».

Nous croyons devoir indiquer au public immense qui affluera certainement dans la cour du Capitole et dans le square que c’est par l’expression : « Three cheers for Président Wilson (trois hourras pour le Président Wilson) », suivi du cri trois fois répété de « hourra » que se traduisent ordinairement les acclamations américaines. C’est la façon la plus délicate et à la fois la plus simple et la plus retentissante de témoigner à nos hôtes notre sympathie et notre joie.

Ajoutons enfin que M. le Maire a été invité à assister à la fête qui aura lieu ce matin, à 10h30, au camp américain, à Plaisance-du-Touch. Le citoyen Jean Rieux, empêché, y sera représenté par le citoyen Ellen Prévost, adjoint au maire, député de Toulouse.

(Midi-Socialiste – 4 juillet 1918)

Au Conseil municipal

Devant les autorités et en présence d’une grande affluence, le Président Wilson est, après un discours de Jean Rieux, proclamé, par les Capitouls de 1918, citoyen de Toulouse.

Ce fut une séance inoubliable ! Longtemps avant six heures, la cour, la place et le square du Capitole étaient remplies de nombreux publics, impatient de manifester sa noble joie et son enthousiasme de bon goût. Quant à la salle du conseil, elle était littéralement bondée d’une foule où se rencontraient mêlées toutes les classes de la société, et où les uniformes des « poilus » voisinaient avec d’élégantes et claires toilettes.

A 5h55, l’orchestre, dirigé par le capitaine Raynaud, l’éminent chef de musique du 15° d’infanterie, s’installe près de la loggia. La réception du cercle militaire vient de prendre fin. Les officiers américains et la délégation de sous-officiers et de soldats qui les accompagnent pénètrent dans la salle des mariages tandis que retentissent encore les acclamations qui les ont accueillis à leur entrée dans l’Hôtel-de-Ville. En même temps qu’eux arrivent toutes les autorités civils et militaires, les membres du Conseil municipal et un grand nombre d’officier de la garnison.

Discours de Jean Rieux

Après l’appel des membres du conseil que Dominique Rieu. Jean Rieux se lève et, d’abord, remercie les principales personnalités présentes pour chacune desquelles il trouve un mot délicatement aimable. Notons en particulier les adieux émus à M. le Préfet dont il fait un vif éloge. Il salue ensuite les officiers de cette armée américaine qui a déjà commencé sa maison de lauriers ; Miss Spence, dont il souligne l’admirable et infatigable dévouement aux malheureux réfugiés, le général Cornille, représentant de l’héroïque armée de la France, la magistrature, l’Université, le commerce, les consuls des nations alliées.

Après ce préambule très applaudi, M. le maire donne lecture du projet de délibération tendant à donner le nom de Président Wilson à la place Lafayette, qui a été choisi en raison de sa situation centrale et parce qu’elle est une des voies les plus fréquentées de notre grande ville. Il ajoute qu’il ne saurait être indifférent au conseil municipal de voir la place Président Wilson voisiner désormais d’une part avec la rue Lafayette, d’autre part avec l’avenue et les allées Jean Jaurès. Le haut idéalisme humain du président américain se trouve ainsi lié d’un côté avec l’idéalisme de l’épée libératrice de Lafayette, de l’autre avec l’idéalisme social du grand disparu dont le patriotisme agissant a fait cruellement défaut à la France au cours de cette terrible guerre.

A ceux qui pourraient regretter que la place Lafayette perde le nom qu’elle portait depuis 1830, Jean Rieux donne l’assurance que si le maire Viguerie et le rapporteur Gasc siégeaient dans le Conseil d’aujourd’hui, ils seraient les premiers à s’associer à la décision que va prendre l’assemblée municipale.

Le maire termine son vibrant discours, souvent interrompu par les applaudissements, par une magnifique éloge du président Wilson et de son idéal de paix juste et durable, de libération des peuples et de droit triomphant. Il met ensuite aux voix la proposition qui est adoptée à l’unanimité.

Wilson, citoyen de Toulouse

Ellen Prévot demande alors la parole.

« Je crois, dit-il, être ce soir l’interprète de mes collègues du conseil et de la population tout entière en vous faisant la proposition que voici : En hommage respectueux et reconnaissant de Toulouse immortelle et libre à l’éternelle et libre Amérique, je vous demande de proclamer le Président Wilson citoyen de Toulouse ! ».

Le public ne laisse pas au maire le temps de mettre cette proposition aux voies. Il la salue d’acclamations enthousiastes et Jean Rieux, la ratifiant avec l’acquiescement du conseil, proclame le Président Wilson, citoyen de Toulouse. Il ajoute que cette décision sera dès demain portée par cablogramme à la connaissance du Président des États-Unis à qui un parchemin enluminé et orné des armes de la ville sera prochainement adressé.

Le conseil, poursuivant l’examen de son ordre du jour, a voté ensuite un vœu tendant à la création à Toulouse d’un consulat des États-Unis, et il a voté enfin, sur rapport de notre Julien, adjoint au maire, qui en a donné lecture, le programme de la fête du 15 juillet.

La séance est alors levée et tandis que l’orchestre attaque la Marseillaise, une immense gerbe de fleurs bleues, blanches et rouges est remise à Miss Spence au milieu des applaudissements de la salle.

A la demande du public qui se pressait des deux côtés de l’Hôtel de Ville, les officiers américains ont bien voulu se montrer sous la loggia du square et au balcon de la salle des Illustres. Ils ont été indéfiniment acclamés par une foule en délire qui criait : « Vive Wilson ! Vive l’Amérique ! Vive la France ! ».

Le maire, les adjoints et les conseillers municipaux ont alors pris congé de leurs hôtes américains qui leur fait part de leurs vifs sentiments de gratitude pour l’accueil qui venait de leur être fait par les élus de Toulouse et par la population elle-même. Pendant ce temps, l’orchestre magnifique qui avait prêté un si précieux concours, exécutait une marche brillante, et Miss Spence particulièrement fêtée à la sortie par la foule, disait à un de nos amis ce mot charmant qui traduit à merveille les sentiments éprouvés par ses compatriotes : « J’ai envie de pleurer ».

Admirable soirée de fraternité franco-américaine qui laissera un ineffaçable souvenir dans l’esprit de tous ceux qui y ont assisté et pour laquelle, la municipalité socialiste de Toulouse, porte-parole d’une population sentimentale et vibrante, sera unanimement félicitée et remerciée.

(Midi-Socialiste – 5 juillet 1918)

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